Les fondamentaux de la productivité

Younes Serraj
Younes Serraj19 nov. 2018

pédaler pour rien

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Petit historique de la productivité

La génération des baby-boomers (nés entre 1945 et 1960) a connu une approche industrielle de la productivité. Comme à l’usine, on leur a expliqué qu’être productif c’est faire plus en toujours moins de temps. Et comme des machines que l’on ferait tourner quelques heures de plus pour fabriquer un peu plus, les salariés devaient également faire des journées plus longues pour produire un peu plus.

Notre génération a vu la notion de productivité évoluer. Aujourd’hui, nous baignons dans un univers très inspiré des startups où il faut faire des to-do lists et du Pomodoro, autrement dit mettre en œuvre des techniques d’organisation. L’accent n’est plus mis sur la durée de travail (maintenant acquise) mais sur l’utilisation d’outils et techniques censés décupler notre rendement.

Nous pouvons constater aux États-Unis, parce que c’est souvent de là que nous importons nos nouvelles méthodes de travail, qu’une nouvelle tendance voit le jour depuis quelques années. Celle-ci veut qu’être productif c’est ne pas écouter la fatigue, ne pas gaspiller du temps à faire une pause, se lever à 4h du matin et travailler jusque tard le soir et les week-ends aussi, quitte à devoir se droguer pour augmenter ses performances au détriment de sa santé.

Voici un exemple typique d’un motivational speaker incitant à aller dans ce sens :

Bullshit. Ça, c’est la recette du burn-out, pas de la réussite.


La motivation perpétuelle n’existe pas

Les discours productivistes visant à vendre des e-books et des conférences considèrent qu’il ne faut pas s’écouter dans ces phases de perte de motivation et s’acharner à travailler jusqu’à ce que ça passe.

Durant mes années d’enseignement dans une école supérieure d’informatique, j’ai pu observer ce schéma récurrent chez mes étudiants (800+ chaque année) : perte de motivation, procrastination, angoisse d’avoir accumulé du retard, activités “loisirs” pour évacuer le stress, encore plus de retard, etc. C’est un cercle vicieux qui existe aussi bien dans le monde des études que celui du travail.

Plutôt que de condamner ces baisses de productivité, je veux commencer par affirmer la chose suivante : ces épisodes ne sont pas anormaux. Tout le monde passe par là de façon plus ou moins régulière. Ce qu’il faut faire, c’est :

  • Comprendre pourquoi ils arrivent

  • Prendre quelques précautions pour qu’ils se produisent le moins souvent possible

  • Faire en sorte qu’ils passent le plus vite possible quand ils sont là


“Le hasard, c’est l’ignorance des causes”

Je ne sais plus quel philosophe à dit cette phrase très juste.

Si l’on considère que ces baisses de régime sont dues au hasard, on se place en position de victime et il n’y a plus qu’à attendre que ça passe (en espérant que ça passe). Mais si l’on analyse ces phases, on se rend compte qu’elles sont toujours déclenchées par un ou plusieurs éléments identifiables et solubles.

Prenons une minute pour faire état de ce qui est évident : qu’on le veuille ou non, nous sommes un corps biologique (mammifère). La chance que l’on a, c’est que ce corps biologique a la capacité de nous prévenir quand il ne fonctionne plus au meilleur de ses capacités. Soit notre cerveau “rationnel” nous le dit, soit nos émotions nous le disent, soit notre corps nous le dit. Dans tous les cas, quand il y a perte de motivation, c’est que quelque chose ne va pas. Je vais choisir d’appeler ce quelque chose un mal-être.

Un mal-être est d’abord signalé par une pensée. Un esprit aguerri saura identifier ces situations sans en être affecté. Prenons un exemple : si j’ai une formation de vendeur et que je vais faire des achats, un autre vendeur aura bien du mal à me manipuler et m’influencer. Pourquoi ? Parce que le fait que je sois conscient de ce qu’il cherche à faire et de comment il s’y prend me protège. Dès l’instant que je détecte qu’il tente de me manipuler, il perd son emprise sur moi. Autrement dit, dès lors que j’identifie une situation, un contexte ou un schéma de fonctionnement susceptible de m’affecter négativement, je peux m’en prémunir plutôt que de le subir.

Si le mal-être n’est pas identifié au stade de la pensée rationnelle, c’est un deuxième canal de communication qui est emprunté pour me prévenir et tirer la sonnette d’alarme : l’émotion. On ressens une gêne sans trop savoir d’où elle vient ni ce qui la cause. Quelque chose ne va pas, on n’est pas de très bonne humeur, ou bien pas concentré, bref quelque chose ne tourne pas rond. La connaissance de soi permet à ce stade de prendre conscience qu’une émotion est là, qu’il faut non pas en avoir peur et encore moins la réprimer mais :

  1. La laisser venir et faire son travail de messager

  2. L’écouter

  3. Lui donner un nom (tristesse ? peur ? colère ? dégoût ? surprise ? …)

  4. Trouver ce qui la cause.

Dès lors que l’on met le doigt sur ce qui ne va pas, que l’on arrive à qualifier ce qui pose problème avec des mots précis, tout va mieux en un rien de temps. On repasse alors au stade du rationnel parce que l’on passe d’une situation vague, floue et chaotique à une problématique nommée, ciblée. La méditation est un excellent outil pour apprendre à se recentrer sur l’instant présent, faire le vide autour de soi pour pouvoir se concentrer sur l’écoute de soi.

Enfin, si le mal-être n’est toujours pas compris, l’émotion négative qui dure cause des troubles psychosomatiques : brûlures d’estomac, mal de dos, fatigue, insomnie, etc. Atteindre ce stade est grave et il devient alors urgent de prendre soin de sa santé physique et mentale avant de penser à être productif. Il ne faut pas “attendre que ça passe”. Ça ne passera pas. Notre corps est très intelligent et ne s’acharnerait pas à tirer la sonnette d’alarme de plus en plus fort si ce n’était pas important. Si on l’ignore, si on refoule nos émotions et qu’on nie nos douleurs physiques, le mal-être continuera de grandir et chaque fois qu’il se remanifestera, ce sera toujours plus fort encore.

Il est du devoir de chacun d’être bienveillant envers soi-même et de faire le travail nécessaire pour aller mieux. Les témoignages de personnes qui ont vécu un burn-out sont unanimes : il ne faut pas attendre d’être épuisé pour s’occuper de soi. Quand c’est le corps qui parle, c’est que l’on a déjà trop attendu. Si vous avez un pneu crevé, vous n’allez pas rouler sur l’autoroute à pleine vitesse et attendre de vous retrouver dans un fossé pour demander de l’aide. Votre véhicule, c’est vous, votre mental et votre physique. Prenez soin de vous !

Pourquoi je parle de cela ? Parce que l’on a souvent ce défaut de chercher la performance avant de chercher le bien-être. Parce que l’on pense que seule la productivité compte, au point de s’oublier soi. Parce que l’on pense à tord que l’équilibre personnel va à l’encontre de notre désir d’être les meilleurs. Parce que l’on cherche cet état magique que l’on appelle le “Flow” ou être “in the zone”, cet état où l’on perd la notion du temps, que l’on ne ressent ni fatigue ni envie ni besoin. Seul notre travail existe et tout coule de source, tout est fluide. Le Flow, c’est quand on est inspiré.

Oui mais nous sommes des machines. Une machine a besoin de certaines conditions pour fonctionner et il faut que les conditions soient optimales pour fonctionner au mieux. Alors comme nous sommes des mammifères, je ne vais pas vous conseiller de télécharger telle ou telle app, faire des to-do lists ni du Pomodoro. Plutôt que de vous vendre une recette miracle ou de traiter le problème par le mauvais sens, je vais vous poser des questions. Je veux revenir à l’essentiel et vous inviter à vous écouter et à vous analyser vous-même sur différentes dimensions.


1. Est-ce que physiquement je suis en bon état ?

  • Je dors assez

  • Je fais une sieste dans la journée

  • Je m’hydrate correctement (aka. boire de l’eau)

  • Je mange à heures régulières, sans sauter de repas, en quantité raisonnable, des aliments sains et peu transformés.

  • Je ne consomme pas de perturbateurs ou alors le moins possible (pas plus de deux cafés/excitants par jours et jamais après 15h, pas d’alcool trop fréquemment ni en trop grande quantité, pas de sodas ni sucreries, ..)

  • Je fais du sport plusieurs fois par semaine (un peu de gainage et de pompes le matin, de la natation, du vélo, de l’escalade, ..)

  • Je ne travaille pas plus de 3h d’affilé sans faire une vraie pause (minimum 20 minutes loin de tout écran, ordinateur ou smartphone)


2. Est-ce que mon environnement me permet de travailler ?

  • Il n’y a pas trop de bruit autour de moi

  • On ne m’interrompt pas, on ne m’interpelle pas sauf réelle urgence

  • Il n’y a pas de distractions à vue

  • Si je choisi d’écouter de la musique, celle-ci tourne en arrière fond, pas trop fort, ne me déconcentre pas, n’attire pas mon attention

  • J’ai ce dont j’ai besoin à portée de main (bouteille d’eau, papier brouillon et crayon, mouchoirs, etc.)

  • Mon siège, mon bureau, mon clavier et mon écran sont à bonne hauteur, confortables

  • Mon bureau est propre, bien rangé, le plus minimaliste possible (plus c’est encombré, plus ça encombre l’esprit)

  • Il ne fait ni trop chaud ni trop froid

Ces deux check-lists nous permettent d’écarter la majorité des causes qui nous empêchent de fonctionner correctement. Sans prétendre être exhaustives, ces listes constituent probablement la fondation sans laquelle vous êtes sûr et certain de ne pas être bien dans votre quotidien et donc dans votre travail. Ce sont là les vrais prérequis de la productivité.

Allons un peu plus loin et intéressons nous maintenant à la dimension “animal social” de l’Homme :


3. Est-ce que ma vie est équilibrée ?

  • J’ai des centres d’intérêt qui me nourrissent en dehors de mon travail

  • Je suis satisfait de la qualité et la quantité de mes relations sociales

  • Je suis satisfait de ma vie sentimentale

Que l’on soit introverti ou non, nous avons tous besoin d’interactions sociales. Il est prouvé scientifiquement que l’isolement social cause stress, anxiété, dépression et réduit l’espérance de vie. Pas idéal pour la productivité, donc. Évaluez la proportion de temps que vous accordez au travail, à votre vie sociale, sentimentale, aux loisirs et trouvez votre équilibre, celui qui vous fera du bien sur le long terme.


Considérez toutes les dimensions de votre bien-être

L’aspect physiologique est primordial, l’équilibre vie professionnelle / vie privée est essentiel et l’écoute de vos émotions est indispensable. Il faut prendre conscience qu’être productif, c’est d’abord aller bien au quotidien.

Ayez une relation saine et réaliste à ce que vous êtes avant tout, une machine biologique, et encore une fois : Soyez bienveillant envers vous même : prenez soin de vous.

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Younes Serraj
Younes Serraj19 nov. 2018

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